La CAVEM (Communauté d’Agglomération Var Estérel Méditerranée), les établissements Bergon (83), et la société Koppert ont signé un partenariat portant sur le contrôle du charançon rouge du palmier, Rhynchophorus ferrugineus. Ce bioagresseur extrêmement nuisible touche la côte d’azur depuis presque quinze années maintenant et dégrade clairement le patrimoine végétal du sud de la France. La collaboration mise en place a pour objectif de démontrer l’intérêt du piégeage à l’échelle du territoire en alliant le domaine public et le domaine privé. Le projet géré par la CAVEM est prévu sur trois années. Koppert travaille sur ce sujet depuis les débuts mais ce type de partenariat couvrant une très grande échelle est une première pour notre entreprise. Le point avec Frédéric Ferrero (photo ci dessus, avec Fabien Walicki), directeur du Pôle Environnement, Développement Durable et Désinsectisation de la CAVEM, Robert Cerdan, conseiller agronomique préconisateur aux ETS Bergon distributeur de la marque Koppert, et Thibault Crance, responsable marché JEVI Koppert France.
Pouvez-vous nous décrire le protocole de piégeage mis en place actuellement ?
Thibault Crance : la superficie de la CAVEM est de 350km² dont 250km² concernés par les palmiers. L’idée est de mettre en place l’expérimentation avec PALMatrap et la phéromone Pherodis charançon rouge du palmier sur une partie du domaine. Les pièges sont positionnés de juin 2018 à juin 2021. L’utilisation des phéromones se fait de mars à octobre. La période hivernale est très courte pour ce ravageur sur notre secteur. 500 pièges ont été positionnés depuis début juin 2018, la moitié sur le domaine privé (jardins amateurs), la moitié sur le domaine public. L’application sur le domaine privé se fait sur la base du volontariat en suivant scrupuleusement le protocole.
Frédéric Ferrero : dans le cadre du Plan ARECAP piloté par le pôle Environnement, Développement Durable et Déinsectisation (E3D) de la CAVEM, il existait déjà environ 50 pièges à charançons positionnés depuis 2016 sur le territoire de la CAVEM en partenariat avec la FREDON PACA. En complément, 500 pièges ont effectivement été installés et géolocalisés sur l’ensemble du territoire de la CAVEM, découpé pour l’occasion en 12 zones. Au total, environ 40 pièges (20 publics/20 privés) sont répartis par zone géographique.
À ce jour, 250 pièges ont été disposés sur l’espace public. Dans un même temps, 150 pièges sur les 250 disponibles ont pu être mis gratuitement à la disposition de propriétaires bénévoles participant au Plan ARECAP ayant accepté d’installer un piège dans leur propriété et de transmettre mensuellement le relevé du nombre de CRP capturés. Un nouvel appel à candidature a été lancé cet hiver pour compléter le dispositif. Au début du printemps, les 100 pièges restant ont tous pu être distribués.
Pour pouvoir capturer les charançons, les pièges doivent contenir un attractif (phéromone). Les 3 premières recharges (= une année de capture) sont fournies gratuitement et doivent être changées tous les 3 mois. Les participants se procurent ensuite, à leurs frais, les attractifs nécessaires pour les 2ème et 3ème années, à un prix négocié, accordé uniquement pour cette opération
A terme, les pièges seront définitivement acquis par les propriétaires, à condition d’avoir régulièrement transmis les relevés (mensuels) des captures pendant les 3 années de l’opération.
En quoi consiste le piégeage concrètement?
Robert Cerdan : le dosage est de 6 à 8 pièges /ha, le piège doit être mis au sol, surtout pas dans l’arbre. Nous conseillons de positionner le piège à une distance minimale de 25m du palmier. La phéromone d’agrégation alimentaire, qui attire les deux sexes, est à renouveler tous les trois mois. Elle se positionne dans le haut du piège.
Thibault Crance : il est possible d’ajouter dans la cuve du piège de l’eau, avec un corps gras type savon ou huile et des petits morceaux de feuilles de palmier pour augmenter l’efficacité. Il y a une synergie positive à ajouter ces éléments avec la phéromone. Le piège est très stable. Le seul risque est le vandalisme, aussi il est possible de fixer les pièges avec des fers à bétons qui empêchent le système de bouger.
Comment effectuez-vous le contrôle?
Frédéric Ferrero : les pièges positionnés sur le domaine public sont relevés mensuellement par les agents du Service E3D de la CAVEM et les phéromones changées tous les 3 mois. Ceux disposés sur le domaine privé sont pour leur part directement relevés par les particuliers qui remplissent un formulaire en ligne tous les mois. Les tableaux de suivi des captures publiques/privées sont actualisés à l’occasion de chaque relevé. Ils permettront de surveiller l’évolution de la population de l’insecte sur notre territoire et de localiser les foyers d’infestation résiduels afin de les faire traiter et/ou éliminer. Il s’agit là du travail conduit par l’équipe du Service de Lutte Contre les Nuisibles (LCN) du Pôle E3D, pilotée et coordonnée par son Responsable Monsieur Fabien Walicki.
Thibault Crance : l’objectif est d’observer une décroissance notable du nombre d’individus piégés sur les trois années. Actuellement aucune étude au niveau national ne permet de quantifier l’outil piégeage. Nous souhaiterions sur ces trois années, n’utiliser principalement que cet outil en moyen de protection. Une expérience similaire menée dans la zone de Valencia en Espagne nous amène à proposer cette démarche.
Qu'attendez-vous de ce type de piégeage territorial ?
Thibault Crance : la démarche permettra d’une part de quantifier précisément la pression sur la zone de 250km² et d’autre part de bénéficier du suivi qualitatif de toute une équipe privée-public concernée par le contrôle de ce bioagresseur. Les diverses actions de contrôle qui ne manqueront pas d’être effectuées seront conduites par une connaissance précise de la pression et de la localisation. Nous jugerons au bout des trois années de l’évolution de la pression.
Pouvez-vous nous parler des différentes expériences de la CAVEM en matière de protection des palmiers jusqu'ici?
Frédéric Ferrero : avec le Plan ARECAP, notre territoire s’est engagé dans une campagne de lutte en masse contre le CRP reposant sur une étroite collaboration entre le public et le privé. Fin 2018, ce sont ainsi plus de 5 300 palmiers qui ont été traités par injection sur la CAVEM (stratégie de lutte n°3), auxquels s’ajoutent les milliers de palmiers traités, hors ARECAP, par les entreprises privées ou les particuliers eux-mêmes. Une telle campagne va fortement impacter et impacte déjà les densités de l’insecte car les pontes au niveau des palmiers traités par injection sont annihilées.
La lutte en masse préventive par injection, sur une période limitée dans le temps, apparaît comme un préalable indispensable pour aboutir à un abaissement des populations de l’insecte sous un seuil suffisamment bas permettant ensuite d’envisager des mesures de protections biologiques dans le cadre d’une lutte intégrée. Une fois arrivé à ce stade, au piégeage de contrôle il pourra alors être envisagé de substituer un piégeage de masse, couplé à des traitements biologiques, à l’aide de nématodes par exemple au travers d’une stratégie de lutte intégrée responsable et durable. Dans tous les cas, une surveillance assidue des palmiers du territoire devra être mise en place, avec un réseau de sentinelles permettant de repérer, traiter et éliminer, le plus vite possible, les foyers résurgents d’infestation, dès leur détection.
En conclusion, au travers de votre expérience personnelle, en quoi cette démarche répond à votre attente en matière de protection de la plante et de l'envionnement?
Frédéric Ferrero : en tant que Directeur d’un Pôle dédié à l’Environnement et à la promotion du Développement Durable, il me tenait à cœur d’engager la CAVEM dans une action de lutte en masse responsable, exemplaire et la moins impactante possible pour les milieux naturels et la biodiversité. Face aux ravages occasionnés sur le patrimoine végétal par l’arrivée d’un nuisible comme le charançon, nous avons su prendre le temps de réflexion pour nous orienter sur une méthode de lutte efficiente, collaborative et fédératrice.
Nous sommes aujourd’hui positionnés en tant que territoire de démonstration national et espérons que notre expérience, servira de modèle pour venir en aide à d’autres territoires prêts à s’engager dans la lutte obligatoire contre le CRP.
En guise de conclusion, je dirais qu’en toutes circonstances, il faut savoir raison garder et toujours faire l’effort de s’adapter avec humilité aux contraintes que nous impose la nature. Ainsi, face à la très forte pression d’infestation exercée par la population des CRP, la lutte en masse collective de protection des palmiers est une condition préalable indispensable à l’établissement d’un quelconque procédé de piégeage. Ce dernier aura donc un bel avenir lorsque la population des CRP aura été maîtrisée et amenée sous un « seuil de nuisibilité » acceptable.
Robert Cerdan : notre engagement en matière de biocontrôle se fait au travers de notre partenariat avec la société Koppert, depuis de très nombreuses années. Nous sommes particulièrement attachés à l’approche technique et au conseil proposés par ce fournisseur. Le partenariat avec la CAVEM correspond en tout point à cette gestion globale proposée par Koppert et les ETS Bergon pour solutionner des problématiques biologiques complexes.
Thibault Crance : le propre de cette démarche est le fondement collectif, la volonté d’un territoire d’agir de façon soudée et coordonnée. L’une des valeurs fondamentales de Koppert est justement cette vision globale des équilibres. Ne pas considérer qu’une problématique est solutionnable par une solution, un produit. Notre démarche de protection est une approche par les systèmes biologiques. Mon expérience est que la réussite face à une problématique ne peut aboutir que par une conduite globale. C’est la réflexion portée par la CAVEM et notre distributeur Bergon et nous sommes heureux de pouvoir apporter notre expertise pour travailler à approcher une solution satisfaisante pour protéger le patrimoine paysager cher à la région méditerranée.