Emilie Maugin est Ingénieure expérimentation recherche à Astredhor Sud-Ouest, institut des professionnels du végétal. Depuis quelques années, elle travaille plus spécifiquement sur les projets de recherche et développement à la station d’expérimentation de Villenave d’Ornon (33) avec une expertise sur les stratégies de protection des cultures horticoles.
Comment avez-vous connu l’entreprise Koppert ?
Pendant mes études ! Historiquement nous avons toujours travaillé en étroite collaboration avec Koppert aussi bien sur la partie conseil et développement en entreprise qu’au niveau recherche appliquée sur notre site. Nous avons collaboré sur l’évaluation des macroorganismes mais aussi sur les microorganismes, notamment avec le Trianum et plus récemment sur les biostimulants. Nous sommes également attentifs aux stratégies d’application à l’aide d’outils comme le Mini Airbug, l’Airbug ou plus récemment l’application Natutec Scout.
Quels types d’essais menez-vous autour des produits de biocontrôle ?
Nous menons à la fois des essais de type « observatoire piloté » pour avoir une approche globale des problématiques de la culture mais aussi des essais factoriels plus traditionnels pour mesurer l’efficacité d’un produit. Les produits de biocontrôle sont au cœur de nos travaux sur la réduction du recours aux pesticides pour la filière horticole, et au-delà sur la partie production qui est menée tant que possible en « zéro phyto ».
Nous travaillons sur une gamme printanière de plantes en pots : géranium, pétunia, verveine, bégonia complétée par une multitude d’espèces fleuries du lantana au dipladénia. En été, nous poursuivons la production avec les trois espèces phares : cyclamen, chrysanthème et poinsettia. En tunnel nous avons des plants potagers (tomate, poivron, fraisier), des aromatiques et bisannuelles (pensées, primevères) et en pépinière hors-sol, la gamme est étendue et va des espèces phares pour les haies (photinia, elaeagnus) aux plantes grimpantes et petits fruits. En pleine terre, nous avons beaucoup d’essais sur le buis mais aussi sur des arbres tiges pour l’alignement.
Koppert a travaillé ces dernières années au développement d’une solution de nourrissage des acariens prédateurs, afin de booster leur installation en culture et de maintenir leur population en cas de conditions défavorables. Le produit NUTARI a été mis au point. Il contient 2 millions d’acariens proies Carpoglyphus lactis mélangés dans du son.
Quel protocole avez-vous utilisé pour tester l’efficacité de NUTARI ?
Nous évaluons le potentiel de nourrissage de NUTARI en culture de cyclamen depuis 2019 dans le cadre du projet DEPHY EXPE 2. ZERHO (Zéro pesticides et outils télématiques pour les systèmes horticoles). La culture est menée sur environ 200 m² en tablette de subirrigation avec écran d’ombrage. Nous établissons en amont de la culture une stratégie d’apport (dose et fréquence) et comparons le développement de l’acarien auxiliaire avec et sans nourrissage. Puis chaque semaine, nous dénombrons la présence de ravageurs, d’auxiliaires et de dégâts par la méthode de quick-sampling ce qui nous permet d’avoir un suivi très régulier et une cartographie spatio-temporelle des effets obtenus. En fin d’essai, nous établissons une catégorie commerciale des plantes pour évaluer la plus-value obtenue. Nous regardons aussi le bilan technico-économique de la stratégie mise en œuvre afin de développer des approches économiquement viables en entreprises.
Sur quelle problématique ravageur avez-vous travaillé ?
Ces 2 dernières années les essais ont porté sur Amblyseius swirskii afin de lutter contre les thrips Frankliniella occidentalis et Thrips tabaci. Le thrips est le principal ravageur en culture de cyclamen. Il se développe en été sous les feuilles de la plante et si la population n’est pas contrôlée, les premières fleurs de septembre sont complètement piquées et déformées. La lutte est très complexe car le feuillage « en parapluie » et la forme particulière de la fleur rends difficile toute application de produit. Les traits morphologiques de la feuille, glabre et aux nervures peu marquées, ne facilitent pas l’installation des acariens auxiliaires car cet habitat ne leur est pas très favorable.
Quels sont les résultats obtenus avec ce produit sur vos cultures ?
Lors du 1er essai en 2019, nous avions eu peu d’effet du nourrissage mais le produit a ensuite évolué et nous avons ajusté la fréquence d’apport et le ratio d’acariens proies à apporter par acarien auxiliaire.
En 2020, les effets ont été plus probants. Un essai préalable, nous a permis de choisir la stratégie à adopter. Il montre que dès le stade jeunes plants en absence de thrips, la population d’A. swirskii est plus importante avec le nourrissage. Dans un 2e temps, l’essai sur un itinéraire plus long nous a permis de comparer A. swirskii à dose élevée tous les 15 jours à une application d’A. swirskii + NUTARI tous les 15 jours. Nous avons eu une très bonne augmentation des populations de phytoséides au sein de la modalité nourrissage avec des implantations de plus de 10 individus par plante. En général, on retrouve 1 à 2 individus par plante, plus de 3 acariens c’est déjà une bonne installation, plus de 10 individus c’est exceptionnel ! Le thrips était pourtant présent en août, période de pic du ravageur, puis sa présence a diminué sur septembre, phase clé de la culture avec les premières fleurs. L’absence de thrips en fin de culture est rare pour être citée comme une réussite de la modalité nourrissage.
Cependant la dose d’A. swirskii était trop forte, à 150 individus/m² apportés à 9 reprises, pour être économiquement acceptable. Par contre le surcoût lié seulement au nourrissage rajoute peu de charge pour un effet décuplé.
En 2021, nous avons diminué les doses de A. swirskii, travaillé sur les 10 premières semaines de culture et utilisé un nourrissage hebdomadaire. Sans nourrissage, les attaques de Frankliniella occidentalis étaient plus précoces, plus intenses et plus fréquentes. Avec nourrissage, le ravageur était toujours là mais de manière moins préoccupante et moins présent sur fleurs. Les acariens prédateurs, eux, étaient visibles plus rapidement et en plus grand nombre avec le nourrissage : la population implantée était boostée. La réussite a été un peu moins spectaculaire qu’en 2020, mais le coût beaucoup plus acceptable pour le producteur. Réduire la dose a permis de diminuer le coût de la stratégie tout en étant efficace.
Quel est votre retour d’expérience sur ces applications ? Etes-vous satisfaite ?
Mon expérience avec ce produit est très positive car il apporte un vrai plus dans la protection des cultures de cyclamen, où les acariens sont difficiles à implanter et à voir. Une difficulté qui peut être rencontrée est d’appliquer la bonne dose sur une petite surface : un contenant de 2 millions d’individus permet de faire 2 000 m². En mélange avec un acarien auxiliaire, le produit est plus facile à appliquer.
Au-delà de l’augmentation du nombre d’acariens auxiliaires, les nourrir permet aussi d’améliorer leur dispersion dans la culture ce qui est un point non négligeable dans certaines configurations de serre et permet d’atténuer l’effet parfois aléatoire d’une application à la main.
Recommanderiez-vous ce produit à des distributeurs/producteurs ?
Oui, d’autant plus que le surcoût en terme d’intrants est faible, l’application facile et le gain visible sur cyclamen.